Parcours de santé mentale, [1994-2002] V1 autoédit. 2002  allégée, accueil et articles 1-26 

Depuis la mi-mars, et surtout à partir des vacances de Pâques, c’est devenu de plus en plus difficile de ramener Ludovic dans sa famille d’accueil, pour trois jours. La séparation a été encore plus douloureuse pour lui, à qui je ne voyais pas comment lui faire prendre conscience du futur, et que c’était une étape transitoire. Il n’avait plus besoin de chercher ailleurs ce qu’il trouvait maintenant avec sa mère. Et mi-juin, le juge a « donné mainlevée du placement de Ludovic et me l’a remis ». Quelle formule ! … En sortant du bureau, je l’ai pris dans mes bras et je l’ai fait sauter en l’air, en lui disant : ça y est, on va pouvoir vivre tous les jours ensemble ! Je lui ai transmis ma joie. On a ri tous les deux, et on est repartis chez nous directement. J’ai souhaité qu’il prenne vraiment conscience que notre séparation n’était pas le fruit de ma volonté, et j’ai pensé que l’occasion était idéale. Ce n’est pas évident pour un enfant de moins de deux ans. Je ne sais pas s’il a tout compris à ce moment-là, mais il a pu voir un lien direct entre la dernière entrevue avec le juge, et notre nouvelle situation.

Il subsistait quand même une mesure d’A.E.M.O., Action Educative en Milieu Ouvert, pour six mois, à dater du premier juillet. Action. Oui, une personne est venue plusieurs fois à mon domicile. Éducative. Elle était censée m’apprendre quoi, au juste ? La personne qui en a été chargée, n’avait paradoxalement jamais eu d’enfant et avait environ cinquante ans. Elle s’étonnait de choses banales : que de jouets !… En voyant une balle à linge pleine pour un enfant de deux ans et me trouvait suspecte pour beaucoup de mes propos. Moi, je la trouvais carrément « à côté de la plaque », tout enfermée dans sa théorie. Manifestement, je ne correspondais pas à l’idéal maternel qu’elle avait en tête. Pour l’occuper un peu sur mon dossier, je lui ai demandé un petit service : me trouver des titres de livres pour enfant qui puissent m’aider à expliquer à Ludovic, pourquoi il ne vit pas avec son papa, et pourquoi il ne l’a jamais vu. Il disait parfois : « papa parti ». J’ai attendu, je n’ai jamais eu de réponse. J’en avais pour ma part une petite idée. Quand, le jour du Jugement d’Assistance Educative, elle a demandé la prolongation de la mesure. J’ai dit au juge que son action m’était inutile et que d’ailleurs, je n’avais jamais eu de réponse à la seule demande que je lui avais formulée. La mesure n’a pas été prolongée par le juge après la « synthèse des observations de toutes les parties entendues », Ludovic compris. Il s’est amusé durant toute l’audition avec… rien, a dit le juge pour enfants. La réponse de la dame Travailleur Social ne s’est pas fait attendre plus longtemps. Le lendemain, j’ai reçu un petit colis de la Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence, dans lequel j’ai découvert quelques petits livres : « Mon papa. », « Quand papa dort. », « Quand papa lit. »… !!! Et voilà ! J’ai tout de même pris mon téléphone pour exprimer ma colère à cette donneuse de leçons. Elle n’était pas là. Je me suis rattrapée sur la documentaliste qui avait fait la recherche des livres. J’en suis restée là et j’ai tourné la page.

Autre bonne nouvelle, la constitution progressive de notre famille complète a commencé pendant la même période. Je connaissais mon compagnon depuis longtemps, mais je ne l’avais jamais vu sous cet angle-là. Nous avons eu au moins l’avantage de nous connaître à l’avance, d’avoir déjà des liens.