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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 18:30

Parcours de santé mentale, [1994-2002] V1 autoédit. 2002  allégée, accueil et articles 1-26

  

Initialement accueilli par mes oncle et tante, Ludovic s’est retrouvé momentanément chez une de mes sœurs, le temps d’un voyage de retraités. Quand ils sont venus le rechercher, à la fin de leurs vacances, il était placé dans une famille d’accueil de la D.D.A.S. ! Pendant cette période, ma mère a été opérée d’une tumeur cancéreuse au sein, ce qui explique peut-être aussi certaines choses.

 

Le résultat de cette décision m’a été terriblement difficile à accepter. Mes parents nous ont toujours montré l’exemple de la solidarité et jusqu’ici, et elle avait bien fonctionné entre frères et sœurs. Ma sœur ne travaillait pas depuis la naissance de son fils. Elle avait pris un congé parental pour élever ses enfants et elle a confié mon fils à la D.D.A.S. pendant mon hospitalisation ! Les mots me manquent pour exprimer mon désarroi. Tout se bousculait dans ma tête. Allais-je le perdre à jamais ? Qu’allait-il devenir ? Pourquoi ma propre sœur, alors disponible, avait-elle fait ce choix-là ? Pourquoi me refusait-elle le droit d’être mère ? Quel droit de jugement s’octroyait-elle sur moi ?  Etc. Etc. ... Plus tard, j’ai même été encore plus loin : avait-elle pensé que cet acte aurait pu m’enfoncer à jamais ? J’étais convaincue que oui, probablement, mais certainement trop tard pour revenir sur sa décision. À moins qu’elle n’ait pensé que j’étais déjà perdue à jamais pour la société, et que l’avenir de Ludovic serait meilleur s’il devait être adopté un jour ? Décidément, ce fut un passage difficile. En moins d’un mois, j’apprends mon licenciement, puis on m’enlève mon enfant. On comprend qu’après, il m’ait encore fallu des séances de « sismo »… Après lui en avoir voulu longtemps, j’ai remercié ma soeur pour ce choix, car finalement, il s’est avéré bon (il y a du pour , et du contre, ce dernier point est surtout lié à la déconnexion de la justice de la réalité et du temps des personnes). Elle m’a avoué que je lui enlevais un énorme poids sur la conscience, et qu’elle ne s’était pas pardonné cette décision. Et ceci, même après avoir vérifié que ça avait marché. L’idée que son choix était, en théorie, la meilleure solution, ne contrebalançait pas ses convictions et valeurs profondes, d’autant qu’elle l’avait fait sous la pression conjugale. 

 

Dès lors, les relations avec mon enfant ont été ponctuées :

  • de courriers administratifs,
  • d’autorisations de la D.D.A.S. pour le prendre le week-end,
  • de bons de sortie de l’hôpital,
  • de visites de l’assistante sociale,
  • d’une expertise psychiatrique,
  • et deux (ou trois) passages devant le juge au Tribunal pour enfants.

Et ce n’est pas pour remonter le moral…

 

Dans un état de dépendance avancé, les premiers mois, je n’ai pas eu de permissions de sorties du fait de l’éloignement de mes lieux d’hospitalisation, sauf, peut-être pour me rendre au Tribunal. Le premier contact avec l’assistante sociale a été très dur, elle ne me comprenait pas du tout. Elle me prenait vraiment de haut. Des phrases blessantes. Je n’ai jamais eu avec elle une bonne communication, même si elle a progressé au fil du temps. Elle a commencé à comprendre beaucoup plus tard, quand elle a mis au monde son bébé… Mais je n’avais alors plus besoin d’elle. L’assistante maternelle a été merveilleuse, tant pour Ludovic que pour moi. Bien sûr, j’ai éprouvé de la jalousie envers elle. Elle exprimait, avec tant de spontanéité, le bonheur de le voir s’épanouir que je n’ai pu réprimer ce sentiment. Mais au fil du temps, ces sentiments amers se sont estompés. Dès le début, elle lui a beaucoup parlé de moi, lui a bien expliqué pourquoi elle s’occupait de lui à ma place pendant que je me soignais, lui a bien fait intégrer la distinction entre sa maman et sa nounou. Elle m’a conseillé de lui envoyer des petites cartes, m’a encouragée, m’a remonté le moral, m’a dit que j’étais une bonne mère et que mon enfant s’en sortirait très bien, au vu de tout ce qu’il faisait. Et par-dessus tout, elle lui a donné beaucoup d’amour, qui est pour l’humain ce que l’eau est pour les plantes, cet amour que j’avais en moi et que je ne pouvais exprimer, parce que je ne pouvais presque plus communiquer, parce que j’avais trop peur. Merci d’avoir donné sans compter.   Note 1  Et sans vouloir vexer personne, je pense qu’aucun membre de ma famille n’aurait pu le faire aussi bien à sa place. C’est un savoir-faire acquis à l’apprentissage et à l’exercice d’un métier trop souvent mésestimé. Et elle est vraiment douée !

 

Entre deux hospitalisations, pendant trois mois, j’ai à nouveau séjourné chez ma mère qui était très fatiguée, et je pouvais m’occuper de Ludovic tous les week-ends. Je n’en suis pas vraiment sûre, du moins en avais-je l’autorisation. Avec toujours beaucoup de difficultés, préparer son repas, lui donner le bain… Je me rends compte que j’ai très peu de souvenirs de lui à cette époque, sauf des images fixées sur des photos ! Pour la partie administrative, si je n’avais pas constitué un dossier récapitulatif, je serais bien en mal de me remémorer toutes les étapes qui ont permis le retour de Ludovic avec moi, dans mon foyer. Bien que ce système présente d’énormes inadéquations, cette période transitoire n’aurait probablement pas été aussi bénéfique pour Ludovic, si elle n’avait été gérée que par des membres de ma famille et en particulier par des non-professionnels de l’éducation. Toutes ces procédures n’ont pour rôle que de protéger l’enfant, mais aussi les parents. En effet, la protection de l’enfant passe par un contrôle de la relation [enfant-parent], mais aussi par extension : [enfant-intervenants directs].

 

Chaque fois que je suis allée au Tribunal, je me suis sentie un peu assimilée à une criminelle, quelque part. Et puis, de croiser ces familles « Fouettard », l’an…goisse… Le regard que l’on me portait !… C’est pesant. C’est difficile d’accepter que l’on vous classe ici. D’autant plus que c’est loin d’être clair dans tous les esprits, même celui de certains juges. Je ne vous parle même pas des intervenants des services sociaux. Madame la juge a confirmé l’accueil de mon enfant à l’Aide Sociale à l’Enfance dans l’attente des résultats de l’enquête sociale qu’elle a ordonnée le même jour. Deux mois plus tard, j’ai rencontré pendant environ une heure, deux fois, à quinze jours d’intervalle, l’éducateur spécialisé qui en avait la charge, en sus des entretiens avec l’assistante sociale. Quand elle m’a convoquée de nouveau devant le Tribunal, cinq mois s’étaient écoulés. D’après le seul rapport de l’enquête sociale, Madame la juge a décidé de reconduire pour un an son ordonnance de placement dont suivent deux extraits.

 

 

 Tiens, absente ?… Moi qui pensais m’y être rendue.  Je découvre maintenant que le père, la mère, le tuteur ou le gardien (le gardien ? !…) pouvait faire appel de cette décision dans les quinze jours… À moins que je ne redécouvre… Je n’ai pas fait appel, car je n’avais pas lu la lettre du Juge pour enfants jusqu’au bout, je ne m’étais jamais intéressée ni aux textes, ni aux procédures de loi, ou alors je me suis tout simplement sentie écrasée d’un coup de maillet…  J’ai eu confirmation de mon absence dans un courrier de l’assistante sociale, c’est une lettre qui blesse. Suit un extrait :

 

 

Eh bien, si ! Madame l’Assistante Sociale, j’ai drôlement été surprise de la décision de Madame le Juge, et pour une année, s’il vous plaît ! Sur un rapport établi à partir de deux entrevues d’une heure, et deux mois et demi auparavant ! J’ai bien failli être anéantie ce jour-là ! Vacillante, je l’ai été, mais je n’étais plus seule, comme à Paris, pour encaisser ce coup dans le dos. Je n’ai pas été la seule à être surprise de cette décision ! Avec la solidarité et le soutien de ceux et celles qui avaient les yeux grands ouverts, s’est érigé le rempart auquel je me suis raccrochée pour ne pas sombrer dans l’abîme qui, à nouveau, s’ouvrait brutalement devant moi. Juste au moment où je commençais à sortir le nez de cette psychose !

 

On ne m’a même pas laissée aller au Tribunal pour témoigner, je m’en souviens très bien à présent ! Dire que ma dernière hospitalisation s’est terminée une semaine après la date de convocation du juge. Vous : médecins, personnel infirmier, assistante sociale… Vous auriez pu faire un effort pour que cela se passe autrement ! En fait, je ne sais pas qui en a décidé ainsi et si cela a vraiment été décidé. Je ne veux pas m’appesantir là-dessus, ça ne m’intéresse pas.

 

C’est tout de même terrible qu’après une période de trois mois de délire avec une perception déformante à dominante plutôt gaie et sûre de soi, j’aie basculé dans une période de vingt et un mois de dépression profonde toujours avec une perception déformante, mais transformant le moindre problème en un mur infranchissable, m’isolant jusqu’à ne presque plus communiquer.

 

Que j’en sorte,

et que, parmi tous ces professionnels, personne n’en rende compte !

 

J’eus préféré que ce ne soit pas écrit « pour une année », et qu’on tienne compte de mon important changement d’état ! Bref ! Que l’on m’associe à la prise de décision !

Oui !… Et pourquoi pas ?

 

Qui parle des difficultés de ré-autonomisation des malades mentaux ?

C’est plutôt à l’arrachée, qu’il faut la reconquérir, son autonomie !!!

 

 

 

C’est tout de même terrible, je n’ai jamais maltraité mon enfant, je n’ai jamais mis sa vie en danger, ni celle de personne d’autre d’ailleurs. Je n’étais que paralysée par la peur.

 

Ce que j’ai eu, ce n’est pas vraiment une maladie,

Ce n’était qu’un coup d’état de mon inconscient

Parce que j’avais poussé toute tordue

Maintenant, tout est rentré dans l’ordre.

 

Quand j’y pense, la nature, c’est vraiment impitoyable.

Et un cerveau, c’est « dingue » comme c’est bien « foutu » !

Ça m’épate chaque fois que j’y pense !

Cela obéit aux mêmes lois que tout le reste.

 

Au moins, j’ai eu l’avantage de pouvoir m’installer tranquillement chez moi, afin de préparer le retour de Ludovic avec moi.

 


 

Note   1   Quand je pense que certaines personnes disent qu’il ne faut pas en donner. J’ai vu dans des émissions télévisées que la DDAS enlève des enfants placés dans des familles d’accueil quand les relations avec l’enfant deviennent trop affectives ! J’en ai la nausée d’y penser et je vous jure que ce ne sont pas que des mots !   retour au texte

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Paulette Benetton

Isère, ARA, France

née en 1952

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