Psychose liée à la maternité : 30 ans d'une vie
Ce ne fut pas une psychose déclenchée par la maternité, contrairement à ce que j'ai pu lire, cela fait des années sur une revue, c'est exactement l'inverse qui s'est produit.... Et bien évidemment une rencontre associée !
Avril 2019
Ça a commencé mi novembre 1988, et le 2 décembre, je suis entrée dans le service des Urgences Psychiatrie de l'Hôtel-Dieu de Paris : le service Sainte Isabelle, créé et dirigé par le Pr Henri Grivois.
30 ans plus tard, je n'ai plus de symptômes, y compris ceux que l'on ne peut voir que de l'intérieur. Pas seulement stabilisée. Je me retrouve, tout simplement. Depuis un an déjà. Que dis-je, presque 2 ans.
Je continue à prendre du lithium. Parce que je n'ai vraiment pas envie de repasser par cette épreuve. Pas du tout envie. Ce fut un véritable parcours du combattant et c'est pour cette raison que j'ai appelé mon témoignage : parcours de santé, à l'origine, en pensant aux itinéraires de sports avec épreuves, et j'ai rajouté mentale. Parce que c'était mental. Voilà.
Et j'ai même pensé : tiens, en le prononçant vite, on entend parcours sentimental .
En 2000 environ, je ne sais plus exactement la date précise, j'ai écrit la page ci-dessous pour introduire mon témoignage. C'est comme ça que je l'avais bouclé pour le présenter.
Parcours de santé mentale, [1994-2002] V1 autoédit. 2002 allégée, accueil et articles 1-26
Cette histoire est la mienne, vous m’avez peut-être croisée. Jusqu’à ce jour-là, la vie paraissait me sourire. J’avais bien comme tout le monde des hauts et des bas. (Bon... pas vraiment... tout dépend de leur taille) L’image que je donnais était celle d’une femme épanouie, un petit peu trop peut-être, investie dans son travail.
J’avais pourtant un secret que je n’avais jamais pu partager. Je caressais un rêve inavouable, tant son accès semblait évident à la grande majorité des femmes : je désirais mettre au monde un enfant. Et ce qui m’empêchait de le faire, c’est que j’avais peur qu’il meure !
Inconsciemment, tout s’était organisé en moi pour vivre avec ces liens. J’avais plutôt bien réussi à compenser. Mais je suis de ceux qui ne s’attardent pas dans le confort. J’allais contre vents et marées, et un jour de fortes houles, tout s’est accéléré. Mon cœur a chaviré et mes priorités se sont inversées. Et c’est au milieu de ce chaos, qu’est venu mon bébé. Parfois, j’ai bien failli abandonner, mais c’eût été sans lui, compter.
Et c’est cette incroyable aventure que je veux vous conter. J'ai commencé à écrire parce que je ne pouvais pas vivre avec ce fardeau dans ma mémoire, qui m'angoissait terriblement, pour ne pas dire me terrifiait. Je voulais comprendre ce qui m'était arrivé et élucider certains souvenirs troublants. Ma perception correspondait-elle à la réalité ? Je pensais être guérie de ma psychose. J'ai suivi une impulsion qui me disait que cela aiderait les autres. J'étais loin d'imaginer que je me lançais dans une aventure périlleuse. J'ai bien failli devenir folle pour de bon ! D’abord prisonnière, j’avais d'énormes problèmes de perception. Ensuite, j'ai pris de la distance.
Au fur et à mesure que j'ai transcrit mes souvenirs, d'autres sont remontés à la surface. Jamais je n'aurais cru que j'en avais autant, moi qui avais fait un stage pour augmenter la mémoire, me plaignant de trous que j'attribuais aux électrochocs. J'ai cru que j'allais remonter jusqu'à ma naissance ou peut-être même au-delà. Mais j'ai préféré m'arrêter à l’âge de onze ans, après avoir retrouvé les éléments-clés pour mon étude. Par ailleurs, j'avais conscience de mon état : un « petit rien » aurait suffi à m’envoyer sur une orbitale propre à rendre impossible la communication avec autrui.
Quand j’ai eu terminé, j’ai commencé à douter que mon histoire puisse être divulguée, par peur de nuire à mon enfant. Les années ont passé, tout s’est décanté. Des circonstances exceptionnelles : je ne connais pas de moteur plus puissant que l’amour, m’ont permis de dépasser en comprenant, ce qui m’était arrivé. C’est ce qui m’a propulsée à nouveau dans la réalité. Le sentiment d’avoir défriché un petit bout de forêt vierge m’a décidée à publier. J’ai occulté des passages qui resteront privés. Certains noms, dates, lieux, ont été effacés. J’ai aussi fait un peu de ménage pour préserver le respect des personnes. Je ne parle pas ou très peu de mon fils. Je veux le laisser libre. Son devenir lui appartient.
Je n’ai pas pu me résoudre, je n’ai pas retrouvé la motivation pour reprendre ma vie là où je l’avais laissée. Et puis aussi, j'étais trop malade pour y parvenir. Je n’arrive pas à oublier tous ceux que j’ai quittés. Je reste sur l’amertume de posséder une connaissance unique, transmissible, utilisable pour d’autres personnes qui souffrent et de ne pas trouver le moyen de la transformer en compétence professionnelle. J’aimerais tant partager avec d’autres ma récolte. Seule, je n’ai pas les moyens de la faire fructifier. Et c’est avec la main tendue que je viens vers vous.