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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 11:12

 Parcours de santé mentale, [1994-2002] V1 autoédit. 2002  allégée, accueil et articles 1-26 

 

J'avais beau me relire, je ne comprenais pas ce qui avait pu induire en moi l'association diable-psychiatre. Ma lanterne a été éclairée environ un mois plus tard à la suite d'une discussion avec une de mes voisines à qui je tentais d’apporter mon aide.

  

- Mais, comment se passe l'entretien avec ton psychiatre ?

- Bien, il me dit de m'asseoir, il s'assied, et ensuite s'installe un long silence. Au bout d'un quart d'heure environ, en général, je me mets à parler. Un jour, la demi-heure s'est écoulée et je n'avais rien pu dire. Alors, je lui ai jeté mon chèque à la figure !...

  

Cela m'a vraiment révoltée ! D’autant plus que si pour certaines personnes, on a du mal à identifier l’origine de la maladie, pour elle, tout était limpide : les traces physiques en étaient indélébiles.

 

Et j'ai su pourquoi !... Diable !

 

Voici comment s'est déroulée ma première rencontre avec un psychiatre. Il est venu me chercher dans la salle d'attente. Son physique m’évoque celui de Michaël Lonsdale dans les films d’angoisses. Il m'a saluée de façon assez froide et m'a conduite dans son bureau : une belle pièce, richement décorée avec de magnifiques meubles anciens de bois sombre. Ensuite, il m'a invitée à m'asseoir tout en me désignant une chaise, et s'est dirigé vers un fauteuil près d’une fenêtre. Je ne crois pas me tromper en disant que nous nous sommes retrouvés à au moins quatre mètres l'un de l'autre. Et, tout en me regardant, puis inclinant la tête de côté et légèrement vers le bas, en direction de la place à travers la vitre :

 

- Je vous écoute, me dit-il, sur un ton bas, linéaire et routinier.

 

Ça m'a bloquée ! J’ai senti comme un relent de confesse, le style du mobilier y a peut-être aussi contribué. Je n'ai rien pu dire avant un long moment.

 

J'étais pourtant rompue aux entretiens. Cela faisait partie de mon métier de mettre à l'aise mon interlocuteur. Des situations analogues à celles-ci, j'en avais redressé plus d'une. Ce type de comportement m'était familier. Après m'avoir accordé un rendez-vous quelques jours avant au téléphone, certains de mes clients l'utilisaient même pour tenter de couper court à l’entretien, à peine j'étais assise. D'autres parlaient malgré eux. J'appréciais tout particulièrement ceux dont le discours était en phase avec le langage corporel, et je crois qu’eux aussi. Tous les commerciaux connaissent bien le langage corporel à l'opposé du discours ! Les premières fois, on ne comprend pas bien ce qui nous arrive, on en ramasse plein la figure et on souffre beaucoup. Mais avec du recul et surtout si on a la chance d'avoir eu des cours de communication, cela devient un jeu de renverser la situation.

 

Mais là, c'était différent ! Je venais chercher de l'aide, j'étais déprimée ! Je pensais que consulter un psychiatre était la bonne solution ! Plusieurs personnes me l'avaient conseillé ! Et au lieu de m'assister dans ma démarche, il me plie, il me casse ! Savez-vous comment cela s'appelle en clair ? De la torture mentale ! Non ! le mot n'est pas trop fort ! Vous pensez que c'est une exception, que j'ai eu affaire à un sadique ? Non plus ! Il souffrait aussi dans ce silence. Enfin, je l'espère... Mais alors, pourquoi ?

 

Cette méthode a fait école, sinon, pour quelle raison la retrouverait-on... utilisée par d'autres de ses confrères ? J'ai ouï dire aussi que le silence est un mode d'expression et que cela fait partie de la thérapie ! Vrai ! Mais pour ça, pas besoin de thérapeute, c'en est déjà une en soi ! Et quand il est provoqué de cette façon, ce devrait être au médecin de faire un chèque au patient et s'il trouve que c’est trop onéreux, personne ne l'empêche d'adresser son client à un confrère !

 

Mais qui a inventé ça pour soigner ?

Après une tension qui dure aussi longtemps, en état de faiblesse mentale, vous avouez tout ! Tous vos remords ! Vous commencez par faire le tour de votre famille en commençant par... le père, ceci ne vous rappelle pas quelqu'un ? Ensuite vous élargissez le cercle, etc. Quand vous aurez bien épluché tous les gens que vous connaissez, avec de la chance, vous aurez peut-être touché le vrai problème. Mais rien n'est moins sûr. Permettez-moi d'émettre mes doutes. Oui, j'ai pleuré sur mon père en premier, d'autant plus que je n'avais pas encore complètement accepté qu'il soit mort. Cela s'était pourtant passé neuf ans plus tôt, mais en si peu de temps !... De plus, j'ai cru, pendant un an, être en partie responsable de sa mort. À cause d'une mise en garde que je lui avais faite, à propos du film du mariage de ma sœur aînée, où il apparaissait à la fin, plutôt ivre et pas gai. Je lui avais conseillé de le voir seul avec ma mère avant de le montrer à ses copains. Mais je ne lui ai pas dit pourquoi. C'est probablement l'angoisse de découvrir quelque chose qu'il ignorait de lui qui a déclenché son hémorragie cérébrale, à moins que ce ne soit de voir de lui une image négative, plutôt que de voir que : boire, cela enivre, chose qu'il avait à coup sûr découverte bien avant que je ne lui dise. Et de même, je ne porte pas non plus la responsabilité de son bilan de santé, son passé entier l'explique. La guerre, en particulier, ne l'a pas épargné. Personne ne s’était douté de l’état de son système circulatoire avant que cela ne se passe. Autre fait, le diagnostic n'a pas été fait à temps. On lui a même prescrit des médicaments contre-indiqués dans son cas. Et puis, on ne l’a pas orienté assez vite vers un centre spécialisé ; il est resté un jour de trop dans un hôpital général. L'ensemble de toutes ces inconsciences l'a mené vers cette issue brutale.

 

Mais qui a inventé cette technique horrible ? Je ne le connais pas. À l'origine, ce devait être quelqu’un de bien intentionné. Il a dû souffrir énormément avant d'y avoir recours. Il a tout simplement cru qu'il lui fallait comprendre tous les problèmes de tous ses patients et leur apporter une solution. Il s'est laissé prendre à ce piège implacable. Cela lui avait pourtant semblé facile au début. Écouter... Parler. Écouter... Parler. Les solutions lui sautaient aux yeux. Mais très vite, il s'est senti agressé, vidé, las, déprimé. Il fallait ralentir ce flux à tout prix, c'était devenu insupportable. Et il en a eu l'idée. Comme cela a dû être dur pour vous de lui emboîter le pas ! Mais quel génie a-t-il dû être pour que vous le suiviez ainsi aveuglément ? Il n'avait pas que « com-pris » les problèmes, il avait « com-pris » aussi les patients et c'est trop lourd pour un seul homme. Remettez-vous. Votre vie ne va pas devenir un enfer. D'abord, comme on me l'a beaucoup répété, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Vous savez déjà comment aider vos patients autrement.

 

Mais savez-vous que votre patient, mieux que vous, saura trouver les sources de son malaise ? Avez-vous pensé que tout est mémorisé dans son cerveau ? Il ne cherche que de l'aide. Il pressent. Mais il a peur de rencontrer son inconnu. C'est tout. Vous commencerez par le rassurer. Comment ? En l'aidant à s'exprimer sur ce qu'il veut. N'imposez rien. Répondez à ses questions. Mais surtout, n'oubliez pas de le mettre en valeur à chaque fois que vous observerez un comportement ou un jugement de valeur positif à vos yeux. Reconnaissez-le. Faites ce que son entourage direct ne sait plus faire, tout simplement parce qu'il n'en a plus les moyens, ou pire parce qu'il n'en a plus envie. Cette personne n'a peut-être même plus d'entourage. Aidez-le à clarifier ses doutes. Ne vous occupez pas trop du négatif, il sait s'en charger mieux que vous. Éclairez les zones qu'il ne voit pas, il éclairera celles que vous ne voyez pas. Donnez-lui des techniques pour qu'il puisse modifier son comportement volontairement si ses habitudes le gênent. Faites-lui des suggestions... Aidez-le à se révéler à lui-même. De belles surprises vous attendent ! Mettez de côté vos us létaux, ne les refoulez pas, ils seront vos garde-fous. Et ouvrez les portes de la communication !

 

Vous allez bientôt vous retrouver au chômage ? Vraiment ? Vous croyez ? D'un iceberg, on ne voit jamais que la partie émergée. Vous n'adhérez pas à tout ce que j'ai écrit ? Vous m’en voyez ravie, on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Permettez-moi toutefois de vous suggérer une idée : partant du fait que j'ai ouvert les yeux en me penchant sur mon expérience passée avec la ferme volonté d'être la plus objective possible, pour comprendre ce qui m'est arrivé, je ne vois aucune raison pour que cela ne marche pas pour vous. Il suffit de ne pas avoir peur. J'espère vous avoir démontré que non seulement, il n'y a rien à craindre, mais au contraire tout à gagner. Quand vous aurez terminé cette expérience personnelle, réunissez-vous en colloques. Vous n'allez pas vous ennuyer, la surprise est au tournant et la communication rendra la récolte fructueuse. Je pourrais l'imager par un épi de blé provenant d'un seul grain, mais cette image ne rendrait compte que du phénomène de l'accroissement des connaissances et tout l'essentiel serait occulté.

Mon imaginaire fait sûrement des siennes dans ce qui a précédé. Et cette technique de communication psychiatre-patient n'est peut-être qu'un accident de parcours dû à la fatigue. Ce métier éprouvant, que pour rien au monde, je n'aurais envie d'exercer, doit probablement induire des comportements nuisibles à la longue. Si c'est le cas, prenez des vacances plus souvent ! Il est une solution amenée à se développer dans beaucoup de domaines d'activité, par ailleurs d'une efficacité remarquable pour mieux se reposer : la diversification des tâches. Si vraiment ce n’est pas suffisant, il faut se donner le courage de changer de métier ou même d’en exercer plusieurs ! Pensez à tous les salariés qui sont obligés de le faire même s'ils n’en ont pas la force ; ils sont nombreux à l'heure actuelle.

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Paulette Benetton

Isère, ARA, France

née en 1952

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