En cette période de fêtes et de froid, je pense tout particulièrement aux personnes concernées
qui se sont retrouvées à la rue et/ou ont dû faire des choix difficiles et déterminants.
Je joins l'article 12 de ce blog.
"Fin de maladie"
En janvier 1991, j'ai été reçue par le médecin de la Sécurité Sociale de mon nouveau centre pour l’évaluation de mon état de santé. Suite à mon licenciement et à mon déménagement officiel de Paris dans le dernier trimestre de l’année précédente, ma sœur avait signalé mon changement d’adresse et mon dossier avait été transféré. C’était le premier contact direct avec un représentant de cet organisme. Auparavant, devant le fait accompli, la Caisse de Paris m’avait autorisé à quitter mon lieu de résidence pour me faire soigner. On conçoit aisément que personne n’ait exigé mon rapatriement durant les deux années qui venaient de s’écouler pour effectuer un contrôle.
Puis, fin mars, je me suis présentée à une convocation du psychiatre de la Sécurité Sociale du chef-lieu de département. Quand j’en ai parlé à une employée de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, elle m’a répondu qu’il n’y a pas de psychiatre à la Sécurité Sociale. C’est pourtant ce qu’il m’a dit et je me souviens exactement du lieu de convocation : le bâtiment, l’ascenseur, l’étage ; je pourrais très bien y retourner pour vérifier, je n’aurais aucun effort à faire pour le retrouver. Il a vu mon obsession pour recommencer à travailler. Après avoir discuté pendant près d'une heure, il me dit :
Je vous conseille vivement de vous inscrire à l’A.N.P.E….
Si vous ne faites pas cette démarche, on va devoir définir votre degré d'invalidité.
Il est très difficile de revenir sur ce genre de décision.
Vous ne pourrez plus jamais travailler de votre vie.
Cet argument a fait tilt. Il était hors de question que je ne puisse plus travailler de toute ma vie. Je ne pourrais pas récupérer mon enfant alors placé à la DASS, je crois bien qu'il l'a ajouté aussi, ni non plus subvenir à nos besoins. Il m'a parlé comme si, lui aussi, était victime du système, et qu'il ne pouvait rien faire d'autre. Il s’est mis du même côté de la barrière que moi, se positionnant en conseiller. Cette idée d'être handicapée à vie et de la tête en plus, moi qui avais toujours été très brillante (tout est relatif…) m'a fait horreur !!!
L'image de l'étiquette « INVALIDE du CERVEAU » apposée sur moi
Equivalait à une mise en bière alors que j'étais encore VIVANTE
L'A.N.P.E. m'est apparue comme une planche de salut
Car il y avait un travail à la clé et ma réintégration dans la société.
Le jour même, ou le lendemain matin, je me suis inscrite. Je n'ai demandé conseil à personne. Je n'ai pas non plus approfondi ma réflexion, je pense sincèrement que je n'en étais pas capable. Au fond de moi, j'étais contente, convaincue que s'il m'avait recommandé cette démarche, c'est qu'il pensait que je pouvais m'en sortir et que je n'allais pas si mal. Je lui ai fait confiance… Parce qu’il m’a renvoyé une image de moi positive, c’est aussi simple que cela ! Quand tout mon entourage m’a dit ensuite que j’avais fait une grosse bêtise, je n’arrivais pas à le croire. Avec le recul, je pense qu'il a été irresponsable de m’avoir poussé ainsi à prendre cette décision. On ne quitte pas l'avion sans parachute, même si le niveau de kérosène est presque à zéro. Nier les problèmes ne les résoudra jamais. Il m'a vendu le voyage, et il ne m'a pas livré le ticket d'embarquement.
Les angoisses qui avaient progressivement pris la place de mes terreurs d’enfant après deux ans de maladie en phase aiguë ne se sont pas gommées pour autant, et même, en certaines occasions, la terrible dictature revenait me hanter.
A-t-il pris la peine de consulter mon dossier ? De quoi disposait il en réalité ? J'ai appris six ans plus tard, que le centre dont je dépends actuellement n'avait aucune information sur mes cinq premières années de maladie, avant mon dernier déménagement. Faut-il en conclure que, lors de cet entretien, alors que j'avais signalé mon changement d’adresse depuis un mois, quand j’ai pris mon appartement, il n'avait rien du tout ? C’est fort possible ! Tout cela ne me semble pas très sérieux dans tous les cas de figure. Un autre élément a mis encore plus de temps à revenir à la surface, d’autant que tout est resté longtemps dissocié dans ma mémoire. À cette même période, j’ai dû faire des démarches auprès des deux centres de sécurité sociale, parce que les virements de mon traitement avaient été tout simplement interrompus suite à ce nouveau changement d’adresse !!! Ce qui confirme la possibilité de perte de mon dossier, déjà à ce moment-là. Pourquoi m’a-t-on fait déplacer pour que je les observe recherchant mon dossier dans les archives ? J’étais alors dans une telle nébuleuse… ! Mais j’ai gardé l’image de leur local en sous-sol dont je pourrais presque dessiner le plan. J’ignorais par ailleurs qu’ils pouvaient travailler dans de si mauvaises conditions et j’en ai été vraiment surprise ! Tous ces dossiers poussiéreux et jaunis ! C'était à la CPAM de Tarare.
J'ai mis longtemps à en prendre conscience. J’ai commencé à comprendre six ans après cet entretien, quand j’ai entrepris des démarches pour la demande d’invalidité. C’est drôle, d’ailleurs, j’ai l’impression que cela s’est passé beaucoup plus longtemps auparavant. La conscience du temps, c’est assez incroyable. J’ai mis plusieurs années à comprendre que je ne pourrais pas facilement retrouver un travail… Et après m’être cassée les dents. Ce psychiatre de la Caisse d’Assurance Maladie m’a présenté la psychose comme une pseudo maladie où ma participation volontaire serait en cause. Ce n’est à mes yeux qu’une vérité partielle. Premièrement, je n’ai rien fait pour être malade. Et, pour rappel, j’ai même fait des démarches, certes, infructueuses, auprès d’un spécialiste, pour tenter d’y remédier ! Deuxièmement, même si je peux, par des démarches personnelles mettre tout en œuvre pour recouvrer la santé mentale, ma conscience, ma volonté et mes actes ne sont qu’une partie des facteurs qui m’y conduiront. De quel droit m’a-t-on fait sortir du système social parce que j’ai affiché la détermination de vouloir vaincre ma psychose ? Pour tous ceux qui ne sont pas informés, le cerveau dysfonctionne réellement lors d’une maladie mentale. La bonne volonté ne suffit pas à retrouver la santé mentale. Une baguette magique n’a pas non plus d’efficacité. Quant à ceux qui pensent être conscients et disposer de leur volonté en permanence, cela m’intéresse au plus haut point de les rencontrer…
Du jour au lendemain, dès la prise en compte effective de mon inscription comme demandeur d'emploi, mes sources de revenus ont été tronquées environ de moitié. Je ne m'en suis pas aperçue tout de suite, tout simplement parce que j'avais suffisamment d'argent de côté. Je n’ai pas non plus pris conscience que je n’avais plus de Caisse Complémentaire. La C.I.P.C. me versait d’ailleurs la plus grosse partie de l’équivalent de mon salaire. Progressivement, mes rentrées d’argent se sont réduites à zéro. Car, officiellement, je ne suis qu’un chômeur qui n’a pas retrouvé de travail.