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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 11:42

Parcours de santé mentale, [1994-2002] V1 autoédit. 2002  allégée, accueil et articles 1-26

  

Au retour de mon séjour dans le Midi de la France, j'ai dû revoir, de temps en temps j'imagine, le médecin qui m'avait adressée à l'hôpital. J'ai repris mon travail vers la fin février. La médecine du travail ne s'y est pas opposée. Tout allait bien jusqu'au jour où, dans mon bureau, j'ai pris conscience de ce que représentait le fait d'être mère-célibataire. C'était à peu près un mois plus tard.

 

Ce bébé n'allait dépendre que de moi seule. J'ai recommencé à craindre qu'il pourrait mourir. Et cette fois-ci, le bébé était bien réel, pas comme auparavant quand j'essayais de m'imaginer mère. Tout reposerait sur mes épaules… Je n’avais même pas été capable de former un couple pour lui donner un père ! Pour toutes les difficultés de la vie active, assumer seule quoi que ce soit ne m'avait jamais posé de problème. Mais là, il s'agissait d'une vie humaine et surtout d'un bébé dont la vie serait suspendue à moi pendant un temps long. De surcroît, je me suis représentée avec la poussette qu'il faudrait porter dans l'escalier, plus les courses, plus le bébé, sans voiture ! Ce problème m'a paru vraiment insoluble. Mon premier jour à Paris s'était soldé par 300F de contraventions et j'avais choisi de me séparer de la voiture. Cela m'aurait coûté trop cher pour ne presque jamais l'utiliser. Et à présent, je n'avais plus les moyens d'en acheter une. Je n'ai même pas envisagé de déménager, et pourtant, mon appartement me semblait complètement inadapté.

 

En un instant, l'angoisse m'a paralysée. Mes collègues ont essayé de me rassurer, mais ils n'ont pas mesuré à quel point il aurait fallu le faire. En fait, je sentais bien que ce n'était pas leur problème, d'ailleurs, pour eux, ce n'en était pas un. Aucun(e) n'avait vécu cette situation et ils étaient bien contents d'être en couple quand ils avaient un souci de santé avec leurs enfants. Je sentais de façon très forte qu'ils ne se penchaient pas sur mon problème. Pour eux, ce problème venait du fait que j'étais malade.[1]  J'étais terrorisée. Incapable de me concentrer, j'ai dû arrêter de travailler, voir mon médecin spécialiste qui ne m'a pas aidée non plus. D'ailleurs, j'y pense, combien d'hommes sont vraiment capables de comprendre ces angoisses de femmes ? Demander de l'aide à ma famille était délicat. D'abord, je supposais qu'ils n'auraient pas pensé que cela puisse m'arriver, et de plus, ils avaient, eux aussi, très peur. Il y avait tant d'incertitudes et de craintes. J'avais transgressé un tabou pour compléter le tableau. J'ai même revu le gynécologue qui m'avait examinée et échographiée quelque temps auparavant, il était trop tard pour avorter. Et au plus profond de moi, je pense l’avoir fait exprès. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que j’utilisais la technique de l’impasse pour progresser, mais jusqu'ici, je le faisais plus ou moins consciemment.

 

Mon psychiatre m'a adressée à un foyer d'accueil médical pour personnes dépressives. On est maintenant loin de l’hospitalisation par un tiers, et pourtant, c’est pendant cette période que j’étais le plus en danger. Ma peur était en moi, sa source aussi à présent. Mon angoisse ne s'est pas estompée. Ce ne pouvait pas être en changeant de lieu qu'elle allait s'évanouir. Je ne connaissais personne, le lieu était impersonnel, je me sentais encore plus isolée que chez moi. Je crois sincèrement que c'est la période où je me suis sentie la plus seule et désespérée. Tout ce qu'on a pu me dire sonnait creux dans ma tête. Mais mon sens moral m’a fait repousser l’idée de suicide. J’ai toujours pensé que la vie a une finalité et que les épreuves en sont des vecteurs et même des leviers extraordinaires. Je ne me souviens pas que quiconque m'ait dit à cette époque : je serai là pour t'aider. À ce moment-là, j'aurais, vraiment, dû aller chez mes meilleurs amis. J'avais bien un couple d'amis à Paris, mais je ne crois pas les avoir contactés. S'étaient-ils absentés ce jour-là ? Il aurait fallu qu'une personne, en qui j'avais totale confiance, me rassure, et surtout m'aide à imaginer les solutions possibles à tous les problèmes que je me posais. Peut-être que cela n'aurait pas suffi. Il aurait fallu à ce moment-là prendre un papier et mettre tout à plat : les points d'interrogation et les solutions, intellectualiser comme s'il s'agissait d'un point délicat à résoudre au travail. Une ébauche aurait pris forme. Je reconnais par ailleurs que mes collègues avaient raison et que tout ce travail aurait dû être fait avec un psychiatre, femme de préférence. Comment tous ceux qui m'ont vue dans cet état n'en ont-ils pas eu l'idée ? J'ai bien peur qu'ils n'aient été imaginer ailleurs ce qu'ils avaient sous les yeux. L’attente de quinze jours du corps médical pour la vérification de ma grossesse en constitue une excellente illustration ; sans compter qu’elle faisait suite à la mienne, effectuée en triple devant témoins, et que j’aurais volontiers réalisée dès mon premier jour d’hospitalisation si j’en avais eu l’autorisation.

 

Je me suis retrouvée face à mon angoisse d’origine, qui s’était levée, juste assez longtemps pour permettre la conception, grâce à cet état de mania. J'étais comme un petit enfant qui vient de voir une chose terrifiante et n'arrive à l'exprimer qu'à demi-mot. Je crois que je verrais une personne dans cet état, je la serrerais d'abord dans mes bras, fort, contre moi, et longtemps. J'ignore combien de jours je suis restée dans ce centre et dans quelles conditions, avec ou sans aide, j'en suis sortie. C'est le trou noir. Ultérieurement, j'en ai retrouvé les traces administratives, presque 2 mois et demi.(durée réelle- 2 jours et demi - article 25 ) Beaucoup de personnes dont certaines mères célibataires auront du mal à comprendre ce désespoir. La chose que j'ai peut-être omise de souligner était que même dans des conditions idéales, l’idée de la maternité m'avait toujours terrorisée, sauf pendant les quelques mois qui ont précédé ces moments si douloureux. Mais simultanément, j’enviais toutes celles qui avaient vécu ou pouvaient vivre cette expérience si naturelle et grandiose à la fois. C'est ainsi que dans cette solitude affective, j'aurais souhaité au moins que la majeure partie des problèmes matériels soit résolue.

 

Pour finir, je suis repartie, je ne sais comment (par le train ?) chez ma mère d'où je n'ai pas tardé à être hospitalisée. Ma plus jeune sœur et son époux m'ont accompagnée aux urgences d’un grand centre hospitalier. Épreuve difficile pour moi et pour eux qui m'ont arrêtée quand j’ai ouvert la portière de la voiture. Je ne voulais pas aller à l'hôpital. Je ne voulais pas me tuer, je voulais juste m'échapper. Je savais qu'il arrêterait son véhicule. Bien que ce ne fût pas mon intention, j'aurais pu faire un geste dépassant ma pensée. Je les remercie de m'avoir aidée à ce moment-là. Ma sœur m'a confié combien le fait de me laisser ensuite dans le service de psychiatrie lui avait été dur, tant il lui semblait inadapté à mes besoins.

 

Je n'ai pas de souvenir de ce lieu à part une image floue de la pièce où l'interne de garde m'a reçue, et je vois une peinture à l’huile bleue ou jaune clair, le genre de couleur encore bien utilisée dans ce type d'établissement et qui vous glacent le sang, d'autant plus que le décor est inexistant. Il a fallu chercher un autre hôpital, on ne reste pas aux urgences. La recherche a été très dure pour ma famille car je dépendais de la Caisse d'Assurance Maladie de Paris :

  • Porte fermée de tous les hôpitaux publics. Je suppose qu'il s'agit d'une clause de non-concurrence, et que pour l'administration, le patient n'est considéré que par l'argent qu'il fera rentrer dans les caisses. Dans la gestion de n'importe quel organisme, il est indispensable que l'on rentre la composante humaine, si on veut que l'intérêt des clients soit pris en compte. Même si le but est d'éviter que certains hôpitaux se vident (ce qui soulève tout de même des problèmes profonds auxquels il serait plus sain de remédier par un moyen adéquat), cela ne justifie pas une telle rigueur.
  • Pour les cliniques privées, on m'a refusé l'accès à cause de mon gros-ventre, sauf une qui m’a ouvert ses portes…, mais rien de plus. Je puis affirmer sans hésiter que j’ai été soumise à un traitement de… gardiennage ! C’est vrai aussi que je n’ai pas coopéré…

Ce qui m'a frappée immédiatement, c'est la grande tristesse de l'intérieur des bâtiments. Mais ce qui rendait vraiment ces lieux aussi tristes, c'est la grande proportion de personnes ayant soit des anomalies génétiques, soit des lésions cérébrales dites irréversibles. Quand ils avançaient vers le réfectoire, ils marchaient comme des robots, le regard figé, plus d'autres caractéristiques qui ne trompent pas. Et Dieu sait si certains médicaments seuls ont la propriété de bloquer les patients comme le ferait une camisole. Je crois me souvenir qu'il n'y avait que des femmes, mais je préfère écrire « ils » pour souligner que même le sexe n'était plus apparent, sauf un peu par les tenues vestimentaires. Je trouve vraiment inhumain d'hospitaliser des personnes ayant des anomalies génétiques. Peut-être les drogue-t-on afin de les rendre plus dociles ? On devrait les accueillir dans des lieux de vie plus sympathiques et ouverts. Et surtout pourquoi les faire côtoyer à vie des personnes dépressives ? Pour des problèmes de rentabilité ? Pour les rendre malades ? Cela m'effrayait, non pas que j'eusse peur d'eux. Mais j'ai pensé que si j'étais dans le même hôpital, c'est que j'étais comme eux, idée que j'ai immédiatement repoussée ; ou encore que mon bébé risquait d'avoir des lésions à cause des médicaments qu’on me donnait, ce que je ne pouvais pas repousser avec assurance de manière définitive. J'ai pu constater que j'avais plus de moyens qu'eux pour me sortir de cette situation. Eux n'en avaient aucun. Je me suis vraiment demandé pourquoi j'avais atterri là. À ma question, une de mes sœurs, qui s'était occupée des démarches m'a répondu que c'était le seul endroit qui avait accepté de me garder à cause de ma grossesse ! Vraiment ?… Pour ma part, je n'ai pas compris et je ne comprends toujours pas où est le problème. Ce n'est tout de même pas une maladie, qui plus est non contagieuse, et jusqu'alors je m'étais sentie plutôt isolée dans ma peur d'être enceinte. Avouez que c'est troublant, je n'avais vraiment pas besoin de ça.

 

La solution que j'ai adoptée a été de rester couchée toute la journée, me refermer sur moi-même, et même manger au lit comme si j'étais impotente. J'ai bien failli le devenir car j'ai perdu ainsi « tous mes muscles ». Il m'arrivait de me lever pour d'autres raisons que l'hygiène : quand on me rendait visite, et voilà tout. Je n'étais pas la seule à faire la grève, le médecin me rendait visite quatre à cinq fois par semaine, maximum cinq minutes, jamais plus et le plus souvent il passait, au sens propre, au pied de mon lit. À aucun moment, je n'ai ressenti qu'il s'intéressait à ma personne. C'était peut-être l'habitude avec les autres malades. Quand je pense qu'à chaque fois, il devait encaisser une consultation. J'entends la cloche du tiroir-caisse en écrivant ces lignes… Pas de contact établi non plus avec les autres membres du personnel. En tout cas, c'est le trou noir. Il me semble qu'une assistante sociale est venue me voir. Je n'en ai pas gardé un souvenir mémorable. J'ai un peu parlé avec ma voisine de chambre qui ne comprenait pas pourquoi je refusais d'aller manger au réfectoire, mais elle n'est pas restée très longtemps. J'ai tout de même vu la nature lorsque des membres de ma famille ou des amis venaient me rendre visite et me forçaient à aller dehors. Le parc était très joli, bien entretenu. On allait s'asseoir sur un banc de pierre près des arbres. Des haies de troènes formaient des petits coins isolés. J'étais nettement mieux que dans mon lit, mais jamais je n'ai fait la démarche d'y aller seule. J'avais vraiment perdu goût à tout. Tout m'effrayait. Mon séjour a duré entre trois et quatre mois ou plus, j'ai perdu toutes les traces écrites officielles, d'ailleurs, en ai-je jamais eu ? Je dois ma sortie au fait que ma grossesse arrivait à terme un mois plus tard.[2] note 2

 

Durant toute cette hospitalisation, je me suis bagarrée avec mes obsessions. Je ne voyais pas vraiment le bébé, j'étais envahie par mes peurs. Je redoutais la vie avec un enfant tout en essayant de me convaincre que je pouvais la vivre. Et dire qu'au début de ma grossesse, j'étais si heureuse, si fière. La plupart du temps, je faisais le vide en moi, ce qui m'évitait des souffrances. Les visites me ramenaient à la réalité, et à chaque fois, je ramenais ma litanie de problèmes insolubles. Ceux-ci devenaient de plus en plus matériels. Comment ferais-je pour les courses ? Le problème majeur évoqué à ce niveau était surtout pour l'escalier de l'immeuble : le bébé, la poussette et les courses, il me faudrait sans arrêt recommencer car je ne pourrais pas en prendre beaucoup à la fois. Le bain du bébé m'obsédait aussi, j'avais peur de le noyer par maladresse. Et les maladies qu'il pourrait contracter, et s'il en mourrait... Et ce problème aurait à se poser régulièrement, même en grandissant. Je me sentais dépassée. Tout ce qui serait un moment de joie, je ne le voyais même pas, je me le refusais, c'était complètement éclipsé. En fait, cela me faisait souffrir aussi : plus j'aurais eu de moments agréables, plus je souffrirais ensuite. Le premier vêtement de bébé que l'on m'a offert m'a vraiment fait mal. Je passe sur les reliquats culturels de culpabilité du fait d'être mère-célibataire, et aussi sur l'expression-fille-mère, entendue pendant mon adolescence pour d'autres, résonnant déjà dans ma tête. Tout cela était en arrière plan mineur, mais présent tout de même. En fait, cela devait m'affecter en réalité beaucoup plus que je n'en avais conscience.

 

Un jour, une de mes sœurs, désirant me faire réagir, m'a évoqué la possibilité d'accoucher sous X : on accouche anonymement, on donne le bébé et un couple l'adopte assez vite. J'ai été horrifiée à cette idée. Je n'ai pas été la seule d'ailleurs. Mes amis et d'autres membres de ma famille m'ont conseillée de ne pas le faire et m'ont beaucoup aidée. Dans ma réflexion, il m'est arrivé de penser que c'était peut-être la solution, mais je la repoussai vigoureusement. Cette possibilité m'a décalée par rapport à mes angoisses. Elle m'a projetée dans l'imaginaire sur un autre conflit et j'ai trouvé cette perspective bien pire à supporter. Moi qui redoutais les maladies, les accidents... J'aurais perdu mon bébé par ma propre décision. Bien sûr, il serait toujours vivant, mais je ne pourrais en avoir la preuve. Mais peut-être, il ne le serait pas. Serait-il heureux ? Encore une question sans réponse. Je ne pourrais pas le voir grandir, s'épanouir. Bref, le point d'interrogation définitif. J’ai des amis qui ont vécu cette expérience, poussés par leurs parents. Je sais que cette détresse-là est extrêmement dure à vivre et encore plus à confier. Leur souffrance m’a aidée à faire mon choix. J’ai eu le sentiment de leur avoir volé le bénéfice de leur épreuve jusqu’à ce que nous puissions en parler. Avec le recul, je suis persuadée que c'est un des éléments qui ont commencé à amorcer ma remontée. J'en ai voulu longtemps à ma sœur de m'avoir suggéré ça, d'avoir osé l'imaginer. Maintenant, je me rends compte à quel point cette suggestion m'a été utile, même si cela a été dur à digérer. Je tiens à la remercier une fois de plus pour avoir eu le courage de me le dire, mais aussi pour en avoir supporté les conséquences, c’est-à-dire les jugements de valeur exprimés à son égard tant directement que dans son dos.

 

Je suis sortie de cette clinique au début de l’été pour séjourner dans la maison familiale avec ma mère. J'étais toujours aussi mal à la différence près que je vivais dans un lieu familier. Il n'y avait pas que les lieux qui me rappelaient mon adolescence : la situation de dépendance vis-à-vis de ma mère et le réveil de son autorité à mon égard ne m'ont pas été des plus agréables. Mais je n'avais pas le choix. Des petits conflits éclataient avec elle à cause de mon inaction. Que de patience de sa part ! Je n'avais plus la visite du médecin. J'allais le voir pour la prescription et plutôt chez le gynécologue. Je suis allée aux séances de préparation à l'accouchement. Je ne me souviens pas d'y être allée jusqu'au bout. J'étais la seule à mal vivre ma grossesse dans le groupe. De plus, certaines femmes venaient en compagnie de leur époux, ce qui est plutôt sympathique. Toutefois, cela me remettait cruellement en face de ma propre situation et augmentait mon malaise. Je passais la majeure partie de la journée, allongée sur un fauteuil dans le salon. Je ne sortais dans le jardin que lorsque mes amis réussissaient à me convaincre lors d’une visite. Un véritable exploit ! Amis est au pluriel parce qu'il y a plus qu'une personne. Dans de telles circonstances, on apprend vite quels sont les vrais. C'est facile, ce sont les seuls qui continuent à vous voir, si l'on enlève ceux qui habitent vraiment trop loin. Pour les autres, c'est la désertion. Je reconnais toutefois que ma compagnie n'avait rien d'attirant à ce moment-là.

 

Durant toute cette période, mon activité principale était la lutte contre la pensée. Arrêter le temps. Faire le bouchon dans ma tête : on stoppe et on attend que ça passe ou technique du vide. Ainsi le travail se fait, mais pas dans le conscient. De toute façon, même s’il ne se produit rien mentalement, c'est bien impensable qu'aucun élément ne se soit modifié dans le temps. Alors, cela aura bougé quand même. Quand je ne le faisais pas, c'était le laisser-aller au désespoir, voir tout en noir. Je n’avais aucun effort à faire, cet état venait tout seul, dès que je me relâchais. Une autre activité était la réponse à autrui lorsqu'on essayait de me secouer, même pour des choses banales. Cela m'était très dur, car cela me ramenait à la triste réalité et aussi à une situation d'enfant que je n'avais jamais vécue. En effet, je n'ai pas le souvenir d'avoir été vraiment poussée à faire quoi que ce soit, je prenais alors facilement des initiatives. Sauf peut-être pour mettre le couvert, je ne me souviens pas d’avoir eu à obéir à des ordres. Pour le reste, nous avions plutôt des obligations et des choix à faire. Combien de fois ai-je réentendues ces injonctions venant de ma mère : Mets le couvert ! Va t'habiller !… Beaucoup de rappels à l'ordre typiques pour l'adolescent qui refuse de coopérer à la vie familiale. Cette situation me rabaissait d'autant qu'elle amplifiait mon sentiment d'incapacité et d'impuissance, mais aussi bousculait le pseudo-confort que je me fabriquais par mon inactivité.

 

Dans le même ordre d'idées, mais pour d'autres raisons, il a fallu me secouer pour que je prépare les vêtements de mon bébé. Chez ma mère, il y a un stock d'habits d'enfants qui tournent dans la famille en fonction des besoins. Je n'avais qu'à faire un choix, relaver, sécher, plier et ranger. Comme je n'arrivais pas à visualiser l'enfant, cela m'a été très dur. Cela me tordait le plexus et me donnait envie de pleurer. À ce stade, n'existait vraiment que ce que je pouvais voir directement avec mes yeux… Euh… Le lapsus est plutôt révélateur, c’est l’inverse exactement ! Et dans ma conscience ainsi restreinte, tous ces petits vêtements ne matérialisaient qu'un bébé en cours de formation appelé à mourir. Les préparer ne pouvait signifier pour moi que l'acceptation de ce devenir et rien d'autre. En gros, l'horreur.

 


[1]     Pour eux, ce problème venait du fait que j'étais malade. Et mes collègues avaient raison. Maintenant que je relis ce texte, en octobre 2000, je sais que cette réaction était due à une régression, et encore je n’en suis pas sûre, je pense plutôt qu’en réalité, ma croissance mentale s’était bloquée pour tout ce qui concerne la maternité à l’âge de dix-onze ans. En effet, je n’ai pas le souvenir d’avoir grandi sur ce point depuis mon enfance jusqu’à ma maladie. Maintenant, ça va, merci. Mais c’est tout de même époustouflant comment fonctionne le cerveau !    retour

 

[2]    Après avoir écrit ces lignes, j'ai fait une recherche auprès de la clinique. Quelques incertitudes se sont levées. J’y suis restée environ deux mois et demi. Je l'ai quittée deux mois avant d'accoucher. Il est hautement probable que le personnel médical ait tenté d'établir la communication avec moi. Toutefois, quand on observe comment s'installe un mur entre deux personnes non malades et cela peut se faire très vite, il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup d'imagination pour comprendre ce qui a pu se passer. Des schémas, des a priori, des réflexes… Des schémas, des a priori, des réflexes...  retour

 

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Paulette Benetton

Isère, ARA, France

née en 1952

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